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2. Les outils de contrôle par la pensée : nouveau mode de communication ou imposture ?

En tant que mouvement se basant sur l’idée que l’être humain peut voir ses capacités augmentées de façon significative grâce aux technologies, le transhumanisme est à la source des recherches de modifications corporelles non seulement parfaitement tangibles et visibles mais aussi purement mentales, via notamment le développement des outils de contrôle par la pensée.

Dans le cadre de ce travail nous allons nous concentrer à la fois sur les exploitations business des recherches dans le domaine des interactions Homme-Machine mais aussi la communication entre les cerveaux humains.

Alors que la peau de synthèse ou la puce à implanter dans le corps sont déjà une réalité (leur application généralisée ne semble être qu’une question de temps), les outils techniques de contrôle par la pensée ne sont encore qu’à leurs débuts. Pas étonnant, quand il s’agit du cerveau, l’organe certainement le plus complexe de notre corps, dont les manipulations peuvent affecter à la fois les capacités physiques, mentales et cognitives.

L'interaction Homme-machine

A l’heure actuelle les recherches et leurs applications semblent sur une bonne lancée dans ce domaine.

Ainsi en 2016, l’événement Cybathlon a eu lieu pour la première fois à Zurich. Son but est d’offrir un lieu de d’échanges et tests aux créateurs de nouvelles technologies qui permettraient de faciliter la vie quotidienne des personnes en situation de handicap. A cette occasion, un nouvel outil permettant de contrôler les ordinateurs par la pensée a été présenté. 

 

Bien que la technologie et les applications semblent intéressantes, l’approche business n’est pas la priorité : le produit même, la base de tout, est très encombrant et peu esthétique.  A l’heure où chacun porte dans sa poche à la fois un appareil photo, un téléphone, et tout internet en un seul outil, il est difficilement imaginable qu’une telle installation puisse être commercialisée, elle reste plutôt dans le cadre purement scientifique et sa cible est très étroite.

Les chances d’implications business sont plus grandes pour le casque Alterego dont le prototype a été présenté par Arnav Kapur, jeune chercheur au Massachusetts Institute of Technology (MIT) en 2018.

Contrairement à l’outil du Cybathlon présenté plus haut, le casque ne cherche pas à mesurer l’activité des neurones pour décoder les pensées, mais détecte plutôt les micromouvements du visage lors de ce qui est appelé la « verbalisation interne ». 

 

Le casque n’est pas commercialisé à ce stade, mais on peut déjà se demander quelles seraient les implications de cette possibilité d’augmenter la capacité mentale de façon non invasive. On peut imaginer que la première tâche du marketing consistera à penser le design de l’objet de manière qu’il soit esthétique et confortable au quotidien ; à l’instar des casques audio, de nombreuses apparences pourraient être exploitées.

De même un marché tout entier s’ouvre pour ce genre d’outil puisqu’il faudrait le rendre compatible avec des technologies existantes : TV comme dans la vidéo, et pourquoi pas l’ordinateur, les tablettes, téléphones etc. On pourrait ici retrouver la même démarche qu’utilise Appel avec des adaptateurs et chargeurs bien spécifiques que le consommateur doit acquérir en plus.

Mais si l’on va plus loin dans la logique de l’application concrète d’un tel outil au quotidien, en prenant par exemple l’addition automatique des prix au supermarché, on pourrait même se demander si cela aura un impact sur les habitudes de consommation des personnes ainsi « augmentées ». En effet il arrive souvent que les consommateurs dans les grandes surfaces fassent des achats compulsifs ou tout simplement qu’ils soient surpris par la somme finale à payer car ils n’ont pas estimé correctement le coût de leur panier. Or, si à chaque instant du parcours le prix à payé exact est calculé (sans qu’il y ait besoin d’une quelconque manipulation comme avec la calculatrice ou le scan par exemple), les montants finaux seraient peut-être moins importants.

 

La situation est plus avancée sur le marché français, où l’entreprise Next Mind, commercialise depuis quelques mois son casque d’interaction avec ordinateur.  Une équipe de neuroscientifiques a développé l’outil qui permet d’effectuer des actions uniquement avec son cerveau grâce à la visualisation ciblée. Parmi les investisseurs, on retrouve des géants comme SISU Game Ventures ou Oculus, détenu par Facebook.

“The NextMind device is the latest example of the so-called brain-computer interface, a trendy biotech area explored by entrepreneurs including Tesla CEO Elon Musk.”

Observer, Mai 2020

En termes d'outils marketing, on peut facilement faire le parallèle entre les casques Next Mind et les gadgets Apple, Samsung, même Play Station. Les visuels sont construits de manière à valoriser le produit dans l’air de ce qui se fait par les leaders des gadgets technologiques.

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La cible toutefois n’apparaît pas de façon clairement identifiée sur le site, même si on présume que le casque serait d’une grande utilité aux développeurs de jeux vidéo, il semblerait qu’il pourrait être utilisé pour toute manipulation sur un ordinateur.

D’ailleurs, tout cela semble faire appel à notre désir de « jouer » même en étant adultes. Le fait de présenter des objets avec un côté ludique a toujours été un très bon outil marketing.

Mais dans ce cas on pourrait faire le reproche d’application qui semblent encore limitées si on se limite à ce qui est présenté dans les vidéos d’exemples, et malgré le design alléchant, se voulant futuriste, on peut se demander si la cible n'est pas trop restreinte ou si le consommateur ne serait pas déçu par le résultat.

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Bien qu’étant encore à ses débuts, Next Mind semble vouloir déjà se positionner comme une alternative à la puce invasive présentée par Neuralink. 

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Il faut accorder un certain crédit à cet argument en ce qui concerne le volet business. La technologie invasive mettra bien plus de temps à obtenir des autorisations pour faire des tests sur les humains et rien ne garantit leur réussite. On peut donc s’attendre à un avenir prometteur pour cet outil si les applications sont suffisamment élargies.

A quand les outils de télépathie?

Dans son ouvrage Homo Deus peignant le portait de l’Homme du futur, Yuval Harari, développe une réflexion intéressante selon laquelle, le principal facteur de survie de l’espèce humaine et du développement des civilisations réside dans leur aptitude à communiquer, à créer des connexions entre eux de façon à s’adapter aux circonstances qui se présentent.

La communication est effectivement au cœur du développement actuel de nos activités. Sur les quatre entreprises GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) qui pourraient être qualifiées des plus puissantes à l’heure actuelle, l’activité principale d’au moins trois (Facebook, Apple et Google avec Gmail) est directement développée autour de la communication/connexion entre les utilisateurs.

Mais l’ère du Homo sapiens étant proche de sa fin, selon les idées transhumanistes, il est évident que les outils de connexion et de communication proposés par les acteurs économiques devront également évoluer en s’aidant de technologies encore plus poussées.

En 2013, les chercheurs en neurosciences de l’Université de Washington ont, pour la première fois de l’histoire, réalisé une expérience qui a permis une communication entre deux personnes seulement par le biais de leurs cerveaux et internet. 

Plus récemment en 2019, les chercheurs de l’Université de Washington ont réalisé des expériences avec des communication plus complexes, et incluant plus de deux personnes. Et même si les avancées sont prometteuses, les spécialistes précisent que nous sommes très loin encore d’un véritable outil de communication entre les cerveaux, l’équipement étant cher et encombrant et les messages envoyés pour le moment très simples.

Il est intéressant de le mettre en parallèle avec les déclarations de Kevin Warwick, cybernéticien anglais, partisan des idées transhumanistes. Lors d’une interview donnée 2013 retranscrite sur le blog Gizmodo, référence en matière de nouvelles technologies, il a déclaré que les scientifiques avaient déjà tout l’équipement nécessaire pour développer un outil d’interaction entre plusieurs cerveaux et que ce n’était qu’une question de financement. Le scientifique transhumaniste Anders Sandberg partage son avis:

“As soon as people have persistent wearable systems that can pick up their speech, I think we can do a crude version,” .

Nous sommes donc encore loin de la commercialisation d’un tel outil ; comme les premiers ordinateurs au milieu du XXème siècle faisaient la taille d’une pièce, les premiers outils de transmission entre deux cerveaux sont encore rudimentaires et non portables. Mais vu l’évolution exponentielle des innovations (qu’il faut admettre que l’on soit ou non partisan des idées transhumanistes), nous pouvons tout à fait imaginer l’existence d’un tel outil dans un futur pas si lointain.

Ce genre de produit pourrait certainement remplacer de nombreux modes de communication existant actuellement les rendant obsolètes et trop lents comparés à l’esprit humain. Notamment les smartphones n’auraient plus toute leur utilité mais les nouveaux gadgets suivraient certainement la même mode d’évolution les remplaçant peu à peu : d’abord accessibles aux personnes plus fortunées du mondes des affaires, se démocratisant ensuite peu à peu.

De ce point de vue-là, et si l’on adopte la posture transhumaniste, ce genre d’outils pourraient effectivement connecter les humains augmentés et les autres.

On peut s’attendre également à une présence forte des GAFA dès les débuts, car ils investissent déjà dans le recrutement des meilleurs cerveaux de la planète. Le développement de nouveaux produits impliquerait sans surprises de nouvelles demandes y associées à l’image des services des opérateurs actuellement, ou des applications mobiles.

 

Si l’on prend du recul, de façon générale on peut dire que le marketing des entreprises spécialisées dans les NBIC qui exploitent les idées transhumanistes, est avant tout un marketing du Savoir. Le Savoir, avec l’Information, sont les principales sources de richesse au XXIème siècle (les idéologies où l’homme le plus puissant est celui qui a le plus de terres, d’esclaves, d’or voient leur pertinence s’estomper finalement avec l’essor des NBIC). Et l’être humain étant tout de même assez égocentrique dans sa nature, le Savoir pointu relatif au fonctionnement du corps et esprit humain n’a pas d’égal.

Les entreprises exploitant ce pan de business sont donc en compétition permanente pour savoir qui fera la découverte la plus révolutionnaire ou développera la technologie la plus pointue.

 

Elles utilisent ce savoir pour rallier les consommateurs et contribuer à faire évoluer le marché en consolidant leur part, comme l’exige le bon fonctionnement de l’économie capitaliste qui, en parallèle exploiterait peut-être même l’idées de l’immortalité, au sommet des croyances transhumanistes ?

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