Introduction
Depuis que les formes les plus précaires de l’activité économiques existent, elles se sont toujours développées en parallèle et sous l’influence des grands événements, mouvements historiques qui ont marqué l’évolution de l’humanité, comme les grands conflits militaires ou les grandes découvertes scientifiques.
Dans l’histoire moderne par exemple, les deux Révolutions industrielles ont été à l’origine de bouleversements tant dans la manière d’effectuer le travail (jusque-là artisanal ou agraire, il devient industrialisé et à but commercial), que dans la diversité des affaires. Une multitude de nouvelles activités a progressivement vu le jour dans ce contexte : de la production et commercialisation massive de la célèbre Ford T, au développement de grandes enseignes agro-alimentaires comme Mars.
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Quel que soit le secteur, le point commun a toujours résidé dans la notion de progrès : technologique, scientifique ou social, il a été à la fois l’origine mais aussi le résultat du développement des activités émergentes.
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Le marketing, dans sa position de précurseur des besoins des consommateurs et moyens de vente, a ainsi toujours été l’exploiteur des marchés naissant sur la base de tels progrès et des idéologies qui en résultent.
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Grâce à l’industrialisation et à l’organisation de l’économie capitaliste, certains pays ont connu une croissance économique fulgurante et ont atteint un tel stade de développement et de progrès que dès la deuxième moitié du XXème siècle de nouvelles idéologies ont émergé, nous alertant sur les effets (pervers) d’une telle vitesse d’évolution et se demandant si la fin de ce monde industriel tel que nous le connaissons n’était pas proche. Le courant de pensée qui s’en rapproche et que l’on appelle la collapsologie, étudie les raisons et risques d’un effondrement éventuel de notre civilisation industrielle.
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C’est à la lumière de ce contexte que nous nous sommes intéressés aux deux idéologies alarmistes suivantes : le transhumanisme et le survivalisme. Bien que très différentes, elles partagent la vision d'un bouleversement proche dans l'organisation de notre société dans son état actuel.
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Le transhumanisme est un courant de pensée qui s’est développé courant la deuxième moitié du XXème siècle et selon lequel l’état actuel de l’être humain n’est pas un état final, mais un état transitoire qui peut et doit être amélioré grâce à la technologie et l’intelligence artificielle. L’idée est de repousser les limites de notre corps actuel grâce à la science afin d’atteindre des capacités physiques et cognitives inimaginables, une longévité exceptionnelle voire l’immortalité, pour les partisans les plus extrémistes. Les transhumanistes mettent essentiellement leurs espoirs sur le champ scientifique des NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives).
Pendant longtemps, les idées transhumanistes ont été véhiculées uniquement par des organisations à but non lucratif.
L’Association Transhumaniste Mondiale créée en 1998, appelée aujourd’hui Humanity + est probablement l’organisme non lucratif principal porteur du mouvement avec un réseau présent dans le monde entier (et des membres parmi quelques grands acteurs économiques). Son but est de développer et encourager le débat au sujet de l’augmentation des humains par la technologie et les questions éthiques que cela soulève. En France, l’association Technoprog est certainement le principal représentant du mouvement. Parmi les plus marquants ont trouve également le Future of Humanity Institute, centre de recherche affilié à l’Université d’Oxford.
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Mais on observe aussi depuis quelque temps qu’en parallèle de ces ONG, de nouveaux business apparaissent en surfant sur la vague de l’élargissement des capacités humaines et nous faisant miroiter ainsi une éventuelle fin de l'humanité telle que nous la connaissons.
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Évoluant autour de la même idée d’une remise en question de notre existence dans les conditions actuelles, le survivalisme dépeint un portrait de l’Homme un peu plus pessimiste.
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​Un homme blanc, considéré comme paranoïaque, portant la panoplie militaire et lourdement armé, vivant reculé dans un bunker dans lequel il a accumulé des vivres pour plusieurs mois. Voici en quelques mots le portrait qui a été associé au survivalisme pendant plusieurs décennies. À raison et à tort.
À raison, parce que le survivalisme naît aux États-Unis au cours des années 1960, sur fond de peur de bombe nucléaire dans un contexte de Guerre Froide. Le mouvement est alors l’apanage de certains membres du Parti Nazi Américain et l’objectif est clairement affiché : il faut quitter la ville car si attaque nucléaire il doit y avoir, elle se produira en ville.
À tort, car au cours des décennies le survivalisme va peu à peu s’extraire de ses origines extrémistes pour se répandre dans la société civile. Autrefois moqué, encore perçu avec méfiance, il s’est modéré et est devenu le sujet d’une population qui cultive l’idée d’une rupture civilisationnelle. Aux États-Unis, les survivalistes sont devenus les preppers : ceux qui se préparent à affronter les scénarios de l’effondrement systémique de notre civilisation. Ainsi, ils vont adopter toute une série de comportements de consommation et d’action pour assurer leur survie en cas de catastrophe, dessinant inconsciemment les traits d’un marché au fort potentiel économique.
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C’est en tant qu’observateurs contemporains de ces mouvements de pensée et leurs implications, et en tant que futurs professionnels évoluant dans le monde du business, que nous nous sommes demandés comment les idéologies transhumaniste et survivaliste sont exploitées par les entreprises.
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Il ne s’agira pas pour nous de juger de la pertinence et du bien-fondé de ces deux mouvements, ni de critiquer les idéologies sous-jacentes.
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Il s’agira dans un premier temps de voir comment les acteurs économiques exploitent l’idée transhumaniste de la fin proche de l’Homme en tant qu’espèce biologique dominante (I).
Nous aborderons ensuite le survivalisme, courant protéiforme qui se caractérisent par la propension à consommer. Nous finirons par nous intéresser à des exemples d'entreprises répondant aux besoins sur le marché du survivalisme.(II).
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